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Il leur consacre et leur dédie ses travaux les plus récents. Il les aime. Il sait les nommer, même les espèces les plus étranges et ceux dont les étiquetages disent la complexité botanique. On pourrait dire d’André Dumonnet que c’est un homme qui sait murmurer à l’oreille des arbres. En retour, quels secrets en obtient-il? Quel pacte le livre à ses frères chevelus de vert qui portent haut des diadèmes lumineux et des embonpoints d’ombres ? Est il l’homme des gnomes, le savant d’elfes plus diaphanes que ces pièges d’araignées où la rosée s’endort? Non. Rien de cela. Passez fantasmes!! Sa passion arboricole ne doit qu’à la raison. Tout promeneur qui lève la tête est du même bois que lui. Assez souple pour aider à la mesure, assez dur pour la rigueur des repères. Un bois de curiosité.Les enfances savent cela: les jardins sont des délices, la forêt un grand jardin dont les jardiniers sont fous et la peur du loup est le délice suprême. Grandis, nous ne retrouvons d’aussi superbes virginités que par l’art et la science: voir, noter, archiver, prélever, montrer. André Dumonnet sait tout cela et bien d’autres choses encore. Par exemple que la sombre dureté des troncs n’est pourtant rien d’autre que l’impalpable masse d’eau qui les a faits, et qu’il y a de l’injustice- donc de la beauté perdue- à ne plus voir dans ces terribles enfants la goutte nourricière. Le poète étroit, le savant dogmatique en seraient fatalistes. Mais non le curieux et certainement pas Dumonnet . Alors il se choisit un jardin- forêt par quelques grands pins Douglas.. Il souffle le verre, il convoque la lumière il épingle des arbres, il se fait vent et pluie. Il ose l’artifice, il flatte les écorces. Lorsqu’il se retire, sa forêt paraît inchangée parce qu’elle est au-delà du changement. Mais des animalités imprécises surgissent du lierre, des prothèses platinées et miroitantes tâtent la nuit et capturent les aubes. L’art et la botanique ont la curiosité complice. Celui qui longera les grands pins entrera dans cette complicité qui est aussi une alchimie. Lorsqu’ils ne s’épuisaient pas à chercher la recette de l’or, les vieux chimistes appelaient «arbres» les mutations minérales qui cuisaient dans leurs cornues. André Dumonnet sous ses pins procède à une autre transmutation: l’art est la cristallisation du vivant.

Daniel BÉGARD .juin 2001

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